J’espère que vous êtes bien assis et bien accroché, car je risque de vous bousculer, voire de dire des choses qui dérangent un petit peu. Et j’en ai bien conscience.
Je vais parler de 5 croyances qui sont dangereuses pour l’éducation des chiens. Ces petites phrases comme « tel maître, tel chien » que l’on a entendues, réentendues et réentendues. Tellement entendues, en fait, qu’elles nous semblent véridiques, qu’elles nous paraissent ancrées et fondées. Pourtant, on va voir que ce n’est pas forcément le cas.
Nous allons déconstruire des idées reçues sur les chiens et leur éducation dans notre société occidentale.
1. Tous les chiens sont gentils par contre c'est l'humain qui est mauvais
L’idée selon laquelle « il n’y a pas de mauvais chien, seulement de mauvais maîtres » est une croyance largement répandue, mais qui mérite d’être nuancée. Cette vision, qui élève les chiens au rang d’êtres parfaits, ne tient pas compte du fait qu’ils sont des animaux avec leurs propres instincts et comportements. Les chiens, comme les humains, sont des êtres vivants qui agissent selon leurs besoins et leurs limites. De plus, il est absurde de considérer que les chiens n’ont pas de mauvais comportements alors que les humains en sont capables. En réalité, ni l’un ni l’autre n’ont intrinsèquement un « bon » ou « mauvais » fond.
La distinction entre les deux espèces vient du fait que l’humain, par sa capacité à développer des outils et à contrôler son environnement, a des conséquences beaucoup plus vastes, comme la destruction des forêts ou la décimation d’espèces. Cependant, à une échelle plus petite, les chiens, tout comme d’autres prédateurs, ont aussi des comportements violents ou non respectueux, comme tuer des proies sans les manger.
Le problème réside dans la société elle-même, qui pousse souvent les humains à adopter des chiens sans être nécessairement capables de bien s’en occuper. Au final, il n’y a ni bon ni mauvais chien ou humain ; chaque être vivant agit selon ses instincts et ses besoins dans un contexte donné.
2. Avoir un chien, éduquer un chien, c'est naturel
L’idée selon laquelle éduquer un chien est naturel et facile est un mythe. De même que l’éducation des enfants, cela semble évident à première vue, mais en réalité, ce n’est ni simple ni inné. En tant qu’éducatrice sociale, je pense que l’éducation, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un chien, nécessite une réflexion et des compétences spécifiques, et ne doit pas être prise à la légère.
Les chiens, bien qu’ils aient évolué aux côtés d’humains pendant des milliers d’années, ne sont pas des êtres humains. Ils sont des canidés, et les attentes modernes vis-à-vis d’eux – comme marcher en laisse, ne pas aboyer ou rester seuls à la maison – sont loin de ce qu’ils ont appris à faire à travers leur histoire. Autrefois, les chiens étaient élevés pour leur utilité (chasser, protéger, surveiller) et non pour vivre comme de simples compagnons. Aujourd’hui, on leur demande de s’adapter à des règles sociales humaines qui ne correspondent pas à leurs instincts naturels.
L’éducation canine, loin d’être facile ou naturelle, requiert des compétences et une formation pour que l’humain et le chien cohabitent harmonieusement. Cela repose aussi sur la chance, car certains chiens peuvent avoir plus de difficulté à s’adapter à ce mode de vie.
3. C'est mon chien qui m'a choisi
L’idée que “c’est mon chien qui m’a choisi” est une croyance largement répandue, souvent utilisée par les propriétaires de chiens pour se rassurer. Cela permet à l’humain de se déculpabiliser par rapport à son rôle dans la domestication d’un animal qui, à la base, était sauvage. En effet, l’humain impose à son chien une vie conforme à ses propres besoins : horaires de repas, choix de la nourriture, comportement à adopter, etc. Cette notion de pouvoir humain sur le chien soulève un dilemme moral, mais pour se rassurer, certains préfèrent se dire que ce n’est pas eux qui ont choisi l’animal, mais que c’est le chien qui est venu vers eux. Cela peut sembler plus valorisant, car cela permet de se dire que l’on sauve un animal qui a besoin d’amour, plutôt que d’avoir simplement adopté un compagnon pour combler un vide dans sa vie.
Cette croyance se nourrit également d’un fantasme culturel, où le chien devient une sorte de “sauveur”, un être fragile à protéger. Cela rappelle l’histoire classique de l’âme sœur ou du prince charmant, dans laquelle deux êtres se rencontrent de manière magique, sans forcer le destin. Cette vision romantique repose souvent sur des anecdotes, comme un chien qui vient spontanément se poser sur les genoux d’un humain dans un élevage, renforçant ainsi l’idée que le chien a choisi son maître.
Toutefois, une telle interaction ne signifie pas que le chien a une connaissance approfondie du futur avec ce propriétaire. En réalité, un chien ne peut pas décider consciemment avec qui il souhaite vivre. Son comportement, bien qu’influencé par des affinités personnelles, n’est en aucun cas une preuve de prédestination.
4. Chaque chien arrive dans une maison pour une raison, une mission
L’autre croyance qui émerge souvent est l’idée que chaque chien a une raison ou une mission particulière en venant dans une maison. Lorsqu’un chien a un comportement difficile, beaucoup pensent qu’il est là pour leur enseigner quelque chose : la patience, la tolérance, ou même les aider à se réorienter professionnellement, comme devenir éducateur canin. Cette pensée ésotérique permet à l’humain d’expliquer les défis rencontrés avec son chien en leur attribuant un sens plus profond.
Cependant, cette vision ignore souvent le hasard et la réalité biologique. Parfois, un chien difficile n’est tout simplement pas le résultat d’une mission divine, mais le fruit d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Il est possible qu’un chien ait un comportement problématique à cause de ses expériences passées, de traumatismes inconnus ou d’un simple défaut génétique. L’idée que chaque chien a une mission ou un but caché dans la vie d’un humain peut faire oublier que parfois, il s’agit simplement de malchance.
Le danger de cette croyance est qu’elle peut mener à un attachement excessif ou une surinterprétation du rôle du chien, l’élevant au rang de sauveur divin plutôt que de simple compagnon ayant ses propres besoins et limites. Cela peut aussi amener les propriétaires à ignorer des conseils professionnels, comme ceux d’un éducateur canin, car ils se concentrent sur une mission supposée que leur chien est venu accomplir. Cela empêche parfois de traiter les problèmes de manière pragmatique et appropriée, en prenant en compte la réalité du chien et de ses besoins spécifiques, plutôt que de projeter des attentes irréalistes sur l’animal.
5. Tous les chiens sont maltraités et malheureux
Une croyance fréquente selon laquelle tous les chiens seraient maltraités et malheureux, et qu’ils seraient victimes d’un système où l’humain, dans sa position de supériorité, imposerait une vie de souffrance aux animaux. Cette idée s’inscrit dans un discours global où les chiens sont souvent idéalisés comme des êtres purs et innocents, soumis à la volonté des humains. Bien que cette vision ne soit pas dénuée de fondement, il faut nuancer cette perception et rappeler que la réalité est plus complexe.
Dans certains cas, les chiens peuvent effectivement vivre dans des conditions de maltraitance, liées à l’ignorance ou aux mauvaises pratiques de certains propriétaires. Le chien, dans sa condition domestiquée, est effectivement dans une position vulnérable, et il est évident que pour des questions éthiques, son statut dans nos foyers méritent d’être soulevées.
Ce qui m’interpelle particulièrement, c’est la tendance de certaines personnes, souvent des propriétaires de chiens, à juger les autres pour leur manière de s’occuper de leurs chiens. Il est fréquent que des individus qui n’ont pas de chien expriment des critiques (comme les selles non ramassées). Pourtant, la majorité des jugements proviennent de personnes ayant elles-mêmes un chien. Ces propriétaires, souvent très attachés à leurs animaux, ont parfois tendance à se comparer et à critiquer les autres, en jugeant leurs pratiques comme insuffisantes ou inappropriées.
Le problème ne réside pas dans la maltraitance gratuite, mais dans un manque de formation et de sensibilisation sur la manière de vivre harmonieusement avec les chiens. En éduquant les propriétaires, en leur apportant des informations de qualité provenant d’experts, on peut améliorer le bien-être des chiens et éviter que des comportements inappropriés ou nuisibles ne se développent.
Conclusion : Faire attention aux croyances, mythes et légendes sur les chiens
Ces croyances peuvent être dangereuses et contre-productives. Plutôt que de culpabiliser les propriétaires de chiens, il est essentiel de comprendre que la véritable clé réside dans l’équilibre intérieur de l’humain. Si un propriétaire est bien dans sa peau, il sera plus à même de créer une relation harmonieuse avec son chien.
Les jugements moralisateurs qui accusent certains propriétaires de maltraiter leurs animaux ne mènent à rien de positif. Un meilleur bien-être pour les chiens passe par une meilleure compréhension de l’humain et de ses besoins émotionnels. En abordant la souffrance humaine et en apportant un soutien adapté, on permet à l’individu de mieux s’occuper de son chien.
Il est important de s’appuyer sur des experts en comportement animal (éthologues, éducateurs canins, vétérinaires) et de se former à travers du contenu de qualité pour comprendre mieux son chien, mais aussi soi-même. Cela permettrait d’améliorer la qualité de vie des chiens et de leurs propriétaires.